DÎNER SEUL
Part 1 : Black and white supper.
Dîner seul.
Histoire commune. Le triomphe de la solitude.
La victoire de la confiance.
Dîner seul c’est le spectacle public d’une intériorité. C’est l’exposition des affres de la paix.
Ce soir j’ai dîné seul. Regard en chien de faïence avec l’argenterie de grand-mère. Bagarre impromptue du cristal qui frappe le vin.
C’est la mêlasse dans mon assiette.
Jugé coupable, l’inconnu s’affaire à finir son bol. Vite. Présomption d’innocence pour l’addition du banquet : pitié se fait maître de cérémonie.
À qui parle t-il ? Parle t-il ?
Jérémiade et charabia, bavardage foudroyant avec le reste de sauce bolognaise au fond du plat.
« Le serveur me regarde ? Il doit se demander si je vais m’assoupir dans énième verre de vin. Ou si je vais me lever, sifflant, content de l’exploit du jour : j’ai dîné seul. »
Claquons les couverts pour tromper l’assistance : feignons l’orgueil, trompons la honte et jouons l’apathie ! Ayons l’air occupé, absorbé par la question philosophique, embarqué dans une réflexion mélancolique… Apparaissons impénétrable, imperturbable : devenons poète de chantier et artiste de rue pour que les spectateurs ne hurlent pas à la censure. « J’engloutis seul, je me délecte seul… Seul ! Et alors ? »
« Et alors… C’est d’une tristesse mon bon monsieur. »
Ah oui, cela. Ça dérange.
Allons donc pleurer seul. Rire seul. Parler seul.
Dîner seul, en quelque sorte.
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